La cession gratuite des droits d’auteur : un formalisme renforcé

Les tribunaux, en assimilant ces cessions à des donations, imposent le recours à un acte notarié, sous peine de nullité.

« Les Marioles », mini-série diffusée sur le site Blast © Les Marioles / Blast
« Les Marioles », mini-série diffusée sur le site Blast © Les Marioles / Blast

Traditionnellement, un simple accord écrit suffisait pour concéder gratuitement ses droits d’auteurs. Cette flexibilité permettait aux auteurs de partager librement leurs œuvres tout en gardant une certaine maîtrise sur leur exploitation. Cependant, depuis quelques années, les tribunaux assimilent la cession gratuite de droits d’auteur à une donation. Or, le Code civil impose que toute donation entre vifs soit constatée par un acte notarié. Cette exigence s’applique désormais aux cessions de droits d’auteur, y compris pour les œuvres de l’esprit. Cette évolution a été confirmée par plusieurs décisions de justice, dont la plus récente est une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, le 11 septembre 2024.  

En l’espèce, des créateurs de marionnettes caricaturant des personnalités publiques ont accusé un média en ligne d’exploiter leurs créations sans leur autorisation dans une émission satirique (Les Marioles). Les deux parties avaient initialement conclues un accord de principe sur l’utilisation gratuite des marionnettes en échange d’une collaboration. Cependant, selon les juges, pour qu’une cession gratuite de droits d’auteur soit valable, elle doit être formalisée par un acte notarié, rendant cette cession nulle.

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Les implications de cette évolution

Cette nouvelle donne juridique présente plusieurs conséquences. Elle engendre des coûts supplémentaires liés à la rédaction et à la signature d’un acte notarié, pouvant constituer un obstacle financier pour les petits créateurs. Mais paradoxalement, cette exigence permet également de renforcer la position des créateurs dans les négociations, leur permettant de demander une contrepartie financière, même minime, pour couvrir ces frais. Il est important de noter que les juridictions ne semblent pas exiger que la contrepartie financière reflète la valeur marchande des droits cédés ; une simple indemnisation des frais notariés peut suffire.

Les limites de cette interprétation

Si le recours à l’acte notarié apporte une certaine sécurité juridique, il soulève également des interrogations, relève Pierre Noual, avocat en propriété intellectuelle, droit de l’art et patrimoine culturel, basé à Toulouse. En effet, la notion de donation implique une intention libérale désintéressée, c’est-à-dire une volonté désintéressée de gratifier le bénéficiaire. Or, le dans le cas des cessions de droits d’auteur, la contrepartie est souvent indirecte (gain de notoriété, promotion de l’œuvre).

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Face à ces évolutions, les créateurs se trouvent confrontés à deux choix : soit ils acceptent cette jurisprudence et demande au bénéficiaire de prendre en charge les frais de notaire et de donation ; soit les parties risques l’annulation de la cession en cas de litige et possiblement la reconnaissance du « caractère contrefaisant (illicite) des utilisations » des œuvres, souligne l’avocat en droit et photographie à Bayonne, Joëlle Berbrugge. Elle souligne que cette exigence pourrait s’étendre à d’autres contrats concernant d’autres droits en lien avec l’image, tels que le droit à l’image ou le droit voisin. Cependant, à ce jour, aucune décision de justice n’est prononcée de manière claire sur ce point.  


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