« C’est l’ascenseur émotionnel. Nous sommes passés du rab au rabot, » affirmait la sénatrice centriste Sonia de la Provôté mi-janvier. De son côté, la CGT Spectacle dénonçait une « saignée budgétaire » et accusait la Ministre de la Culture de « piétiner ses engagements ». Le Budget Culture 2025 -réduit de 100 millions d’euros en décembre, puis de 50 millions d’euros en janvier- prévoit néanmoins une augmentation.

Le 17 janvier dernier, le Sénat a adopté des crédits en légère hausse sur le plan de la culture dans le projet de loi de finances 2025 (PLF). Pourtant, la séance s’est révélée particulièrement confuse pour les élus. « Tout le monde était perdu. On ne savait pas ce pour quoi on allait voter, un budget en hausse ou en baisse ? Ni vers quelles missions exactement sera fléché l’argent, » affirmait un élu quelques heures après la fin de séance. En effet, plusieurs modifications de dernière minute apportées par le gouvernement au budget culturel ont troublé les sénateurs. Ces derniers ont notamment voté la création d’un fonds d’urgence pour le spectacle vivant et la création artistique, ainsi qu’une baisse de 35 millions d’euros des crédits du Pass culture. Lors de la séance, nombre de sénateurs de gauche ont dénoncé le bouleversement des équilibres financiers, rendant la copie budgétaire presque illisible. « Je n’y comprends rien, j’aimerais qu’on m’explique, » s’agaçait la sénatrice écologiste Monique de Marco. Quant à lui, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias rappelait que « l’intelligibilité des débats dans l’hémicycle est une obligation constitutionnelle ».
D’octobre à janvier, les montagnes russes budgétaires
Cet automne, le gouvernement de M. Barnier avait présenté une version initiale du budget, allouant ainsi 3,9 milliards d’euros à la culture, soit +2% d’augmentation par rapport à 2024. En outre, le gouvernement s’était engagé à verser, par voie d’amendement, une rallonge de 300 millions d’euros pour la préservation du patrimoine. Cet ajout devrait ainsi contribuer à protéger les quelques 20% des 45 000 monuments historiques de France en mauvais états. Cependant, en décembre, un arbitrage du budget culturel a porté un coup de rabot de 100 millions d’euros à ces crédits.
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Par la suite, la censure du gouvernement Barnier a entraîné une suspension de six semaines des travaux budgétaires. Ces derniers ont été repris à la mi-janvier par l’exécutif, ajoutant à la baisse déjà prévue une minoration supplémentaire de 50 millions d’euros. La Ministre de la Culture, Rachida Dati, a justifié cette réduction par « le retard pris avec la censure ». Selon elle, « l’idée n’est pas de dépenser en dix mois ce que nous souhaitions faire en douze ». Néanmoins, ces changements et plusieurs sous-amendements de revalorisation ont semé la confusion au Sénat, pris de court par ces modifications de dernière minute. « Je vous avoue qu’à ce stade de la discussion, je n’ai pas refait les totaux », a même avoué le sénateur macroniste Bernard Buis, le 17 janvier dernier.

Une forte protestation de la gauche
De fait, les trop nombreuses modifications du budget culturel au cours des deux derniers mois ont encouragé les sénateurs de gauche à voter contre l’ensemble des crédits, entre autres pour des questions de forme. « C’est extrêmement confus de notre côté », affirmait un administrateur du Sénat, troublé par les calculs complexes du budget culturel officiellement voté par ses confrères. « On peut dire que les crédits sont globalement en hausse, mais dans une moindre mesure que ce qui avait été annoncé avant la censure. » De son côté, le sénateur centriste Laurent Lafon évoquait effectivement un « delta positif ». L’Agence France Presse a ensuite confirmé ces propos, annonçant une enveloppe dédiée à la culture de 4,45 milliards d’euros au lieu de 3,9 milliards.
Le Budget Culture 2025 au secours des festivals
Les crédits alloués à la culture par le PLF 2025 comprennent, entre autres, la création d’un fonds d’urgence pour les structures de création culturelle à travers le territoire. « Ce n’est pas un fonds de compensation, c’est un fonds de soutien pour sauver du spectacle vivant ou de la création artistique, capitale pour nos politiques culturelles publiques, » détaillait Rachida Dati en prenant notamment l’exemple du Festival d’Aix-en-Provence. Grâce à un sous-amendement de Laurent Lafon et à une légère ponction sur le budget du Pass Culture, l’enveloppe de ce fonds a d’ailleurs été élargie de 15 millions d’euros, la portant à 40 millions d’euros.

En somme, le Pass Culture a reçu un coup de rabot de 35 millions d’euros au total, sur les 210 millions d’euros de crédits alloués par le PLF 2025. « Le Pass culture est-il irréprochable ? Certainement pas. Si le Pass doit être ajusté et reformé, ce dispositif a néanmoins le mérite de permettre à des milliers de jeunes d’accéder à la culture, » défendait pourtant le sénateur Bernard Buis. A l’inverse, la Ministre de la Culture justifiait cette décision : « Je ne souhaite pas que cet outil devienne […] un chèque qui ne servirait finalement qu’à entraîner un objectif consumériste. » Interrogée quant à l’absence de certains spectacles –comme le Puy du Fou- sur la plateforme du Pass Culture, Mme Dati a ajouté : « Je souhaite revoir la composition du comité stratégique afin qu’il soit plus diversifié. J’ai demandé à mes services d’examiner la demande concernant l’éligibilité à la part individuelle du Pass Culture. » Elle a également mentionné des axes d’amélioration de ce dispositif, comme la prise en compte des ressources familiales, une meilleure coordination entre la part individuelle et la part collective et l’instauration d’une « part réservée au spectacle vivant ».

Les radios locales sur le devant de la scène
Menacées par des « coupes drastiques » dans le Budget Culture 2025, les radios locales voient plutôt leur avenir s’éclaircir. En effet, le PLF voté par le Sénat prévoit le maintien du budget dédié au Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER). A l’origine, cette initiative destinée à préserver les radios locales devait être amputé d’un tiers de ses crédits. Le gouvernement Barnier était ensuite revenu sur cette décision face à la levée des boucliers des responsables de près de 750 élus locaux et radios associatives locales. Son successeur, le gouvernement Bayrou, a choisi de respecter cette décision, encouragée par la Ministre de la Culture. Le FSER se voit donc allouer près de 35 millions d’euros de crédits pour 2025, sans compter une légère augmentation de cette enveloppe grâce à plusieurs amendements des sénateurs.
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« Nombre de nos concitoyens, dans tous nos territoires, sont à juste titre très attachés » à ces radios locales, « dont le financement dépend pour plus de 40 % du FSER, » avait concédé l’ancien Ministre du Budget Laurent Saint-Martin. « Les collectivités territoriales n’ont pas à prendre le relais de ce financement et ne le feront pas, » avait-il conclu en novembre dernier. Quant à elle, Mme Dati avait suggéré de mettre « des critères de contrôle » par rapport à l’attribution de subventions aux radios locales, car celles-ci « ne sont pas toutes de même qualité et de même niveau, et [ne procèdent pas] parfois de la même nécessité ». Enfin, le Budget Culture voté par le Sénat le 17 janvier dernier requiert un effort supplémentaire de 80 millions d’euros d’économies à l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, etc).
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