Remise en question de la paternité de la photo « Napalm Girl »

« Napalm Girl », l’une des photographies les plus célèbres de l’Histoire, pourrait ne pas avoir été prise par Nick Ut. Une enquête de l’Associated Press et de World Press Photo a semé le doute sur la paternité du cliché, jusqu’ici attribuée au photojournaliste américain Nick Ut récompensé par le prix Pulitzer en 1973.

Nick Ut avec sa photo The Terror of War, connue sous le nom de « Napalm Girl » (Crédit : Pier Marco Tacca/Getty Images)
Nick Ut avec sa photo The Terror of War, connue sous le nom de « Napalm Girl » (Crédit : Pier Marco Tacca/Getty Images)

Qui a réellement immortalisé la célèbre « Napalm Girl » ? Si la réponse semblait évidente depuis près de 50 ans, une enquête de l’Associated Press et de World Press Photo sème désormais le doute sur la paternité de l’œuvre. La terreur de la guerre (1972), souvent renommée « Napalm Girl » aurait été prise par le photojournaliste américain Nick Ut, tandis que des avions sud-vietnamiens bombardaient Trảng Bàng. La jeune fille au centre de la photo, Phan Thi Kim Phyc, alors âgée de neuf ans et brûlée, est rapidement devenu un symbole incontournable contre ce conflit. L’année suivante, M. Ut a également été récompensé du Prix Pulitzer de la photographie d’actualités pour ce cliché très populaire.

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Or, plus de 50 ans après le déclencheur, plusieurs organismes remettent en cause la paternité de la photo. Nguyen Thành Nghe, un photographe indépendant se trouvant sur le site en 1972, a plusieurs fois affirmé être l’auteur de l’œuvre. Ces allégations, démenties par Nick Ut, ont pourtant alimenté l’enquête de l’AP et de World Press Photo sur le sujet. En 2025, la paternité de la photographie a d’ailleurs été officiellement retirée à M. Ut par World Press Photo.

« Nous concluons que le niveau de doute est trop important pour maintenir l’attribution existante », expliquait Joumana El Zein Khoury, directrice exécutive de World Press Photo, dans un communiqué. « Dans le même temps, en l’absence de preuves concluantes désignant définitivement un autre photographe, nous ne pouvons pas non plus réattribuer la paternité de l’œuvre ».

Entre témoignages et interrogations médico-légales

L’enquête menée par l’AP et World Press Photo suit, presque directement, celle que le photographe Gary Knight a réalisée pour le film The Stringer, présenté au festival du film Sundance. Le documentaire, se présentant comme « la révélation d’un scandale derrière la prise de l’une des photographies les plus emblématiques du 20e siècle » insiste notamment sur les allégations de Nguyen. Ce dernier précise avoir vendu le film de son appareil à l’AP en 1972, mais n’avoir jamais vu les négatifs par la suite. Selon lui, ce n’est que quelques mois plus tard qu’il aurait appris la célébrité de son cliché, mais sa femme avait déjà jeté le tirage.

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De son côté, l’AP a lancé deux enquêtes depuis le début de l’année : un document de 23 pages publié en janvier et un rapport de 96 pages publié en mai. Dans ce second, l’AP indique que « pour annuler un crédit photo donné à l’époque, il faudrait des preuves claires que la décision prise par les personnes présentes sur les lieux était incorrecte. Une telle certitude n’est tout simplement pas possible dans le cas présent ». Une dizaine de témoins a été interrogée par l’organisme, affirmant tous que Nick Ut est l’auteur de la photographie. L’un d’eux, David Burnett, un autre photographe de guerre du Washington Post, confirme que « Napalm Girl » a été immortalisé par Nick Ut.

Au contraire, des analyses médico-légales de la scène d’horreur de Trảng Bàng et du placement des différents journalistes attribuent la paternité de l’œuvre à Nguyen. Grâce à des techniques d’analyse 3D, l’organisation NGO INDEX a indiqué que Nick Ut était trop loin des enfants pour leur tirer le portrait ce jou-là. C’est la raison pour laquelle World Press Photo estime que « les preuves visuelles et techniques actuelles penchent en faveur de Nguyen ». De même, NGO INDEX a publié un rapport affirmant qu’il est « hautement improbable que Nick Ut soit l’auteur de la photographie ». Enfin, la photographie aurait été prise avec un appareil Pentax –comme celui de M. Nguyen- et non avec un Leica, comme le décrit Nick Ut. Cependant, ce dernier affirme qu’il transportait plusieurs caméras sur lui, dont le Pentax de son défunt frère.

Ces différents éléments compliquent l’origine d’une photographie dont la portée historique et politique a largement dépassé les intentions de son auteur, qui qu’il soit. Devenue militante depuis, Kim Phuc –au centre de la photographie- précise qu’elle ne se souvient pas précisément des événements de cette journée. Toutefois, elle a confirmé que c’est Nick Ut qui l’a emmenée à l’hôpital le plus proche pour soigner ses brûlures.


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