Le Brücke Museum conclue un accord pour conserver un tableau dérobé pendant la Seconde Guerre Mondiale

En 1940, sous les persécutions nazies, le collectionneur juif Victor Wallerstein s’est vu contraint de vendre un tableau d’Ernst Ludwig Kirchner. Quatre-vingt-quatre ans plus tard, ses héritiers ont conclu un accord avec le Brücke Museum de Berlin pour que l’œuvre reste exposée au sein de l’institution.

Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel et Otto Mueller jouant aux échecs, 1913 (Crédit Brücke Museum)
Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel et Otto Mueller jouant aux échecs, 1913 (Crédit Brücke Museum)

En 1913, l’artiste expressionniste allemand Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938) réalise une toile représentant deux de ses collègues peintres absorbés par une partie d’échecs. A l’époque, Kirchner fait partie de l’association Die Brücke, un groupe d’artistes décidés à briser les conventions et règles de leurs contemporains. Un an après, les confrères se séparent et prennent chacun un chemin différent.

Mais en 1919, le collectionneur juif Victor Wallerstein et son confrère Fritz Goldschmidt fondent la Galerie Galerie Goldschmidt-Wallerstein à Berlin. Férus d’expressionnisme, les deux amis exposent de nombreuses œuvres de ce courant artistique, dont celles du groupe Die Brücke. Le tableau Erich Heckel et Otto Mueller jouant aux échecs de Kirchner compte ainsi parmi leurs collections. Malheureusement, la montée au pouvoir du parti nazi en 1933 oblige ses propriétaires à fermer la galerie et à liquider leur entreprise en 1936.

Par la suite, Victor Wallerstein fuit en Italie, où les lois raciales l’obligent à vendre sa collection d’art, incluant la peinture de Kirchner. En 1944, le collectionneur meurt dans un hôpital de Florence, après avoir été arrêté par les SS. Entre temps, le tableau de Kirchner fut vendu sur le marché libre au Brücke Museum. Initiée par des amateurs d’art, cette institution berlinoise vit le jour en 1964 et ouvrit ses portes trois ans plus tard, dans le quartier de Dahlem, au cœur de la capitale allemande.

En 2024, les héritiers de Victor Wallerstein ont retrouvé le tableau de leur ancêtre et opté pour une conservation de l’œuvre par le Brücke Museum. Contrairement à d’autres héritiers de collectionneurs juifs, la famille du galeriste a effectivement conclu un accord avec l’institution pour que la peinture demeure dans les collections du musée. En contrepartie, le Brücke Museum a versé une indemnisation aux héritiers de M. Wallerstein, conformément aux Principes de Washington, établis en 1998.

« Je me réjouis que le tableau d’Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel et Otto Mueller jouant aux échecs, qui revêt une importance culturelle nationale, puisse rester à Berlin », affirmait dans un communiqué le secrétaire général de la Fondation culturelle des États fédérés, Markus Hilgert. « Le Brücke-Museum est l’endroit idéal pour présenter l’œuvre dans son contexte historique de l’art, régional et, surtout, de provenance. Je suis particulièrement heureux que le rôle du collectionneur Victor Wallerstein, exemplaire pour de nombreuses biographies juives, soit aujourd’hui honoré par le musée ».

De son côté, la directrice du Brücke Museum, Lisa Marei Schmidt, se réjouit également de cet accord : « Pour moi, une approche transparente et responsable de la recherche de la provenance des œuvres de notre collection est l’une des tâches les plus urgentes du travail muséal. L’injustice des persécutions nazies et les souffrances qu’elles ont causées sont une grande obligation pour nous. Je suis donc d’autant plus heureuse qu’une solution juste et équitable ait été trouvée pour le tableau de Kirchner Erich Heckel et Otto Mueller jouant aux échecs. Le fait que cette œuvre magnifique, qui est un des points forts de l’œuvre berlinoise de Kirchner, puisse rester au Brücke-Museum est particulièrement précieux. En même temps, il me tient à cœur de préserver la mémoire de son ancien propriétaire, le Dr Victor Wallerstein. »

En septembre 2024, le tableau de Kirchner sera présenté dans le cadre de l’exposition « Biographies de l’art moderne : Les collectionneurs et leurs œuvres », aux côtés de tableaux ayant appartenu à huit autres collectionneurs juifs.


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