Initial_A., ou le dilemme de l’IA dans le domaine artistique

En octobre 2022, l’illustrateur et auteur de bandes dessinées Thierry Murat signait un nouveau contrat d’édition avec les éditions Delcourt. Son projet, nommé Initial_A., devait être terminé pour mai 2023 et paraître en août de la même année. Cependant, son utilisation du logiciel MidJourney – générateur d’images et de textes par intelligence artificielle – a poussé l’éditeur à annuler le contrat d’édition. Début octobre, l’auteur a donc fait paraître sa BD en auto-édition.

Couverture de la BD Initial_A., de Thierry Murat
Couverture de la BD Initial_A., de Thierry Murat

A 55 ans, Thierry Murat est un auteur reconnu de bandes dessinées, ayant reçu plusieurs prix littéraires. A travers Woody Guthrie, Les Larmes de l’assassin, Au vent mauvais ou encore Animabilis, l’écrivain et illustrateur s’est rapidement fait une place dans le cœur des lecteurs. En 2022, après avoir découvert le logiciel MidJourney par le biais de ses fils, il présente donc un nouveau projet aux Editions Delcourt : Initial_A. Créée entièrement par le biais de l’intelligence artificielle (IA), cette BD unique en son genre suit les aventures d’une jeune fille dans un monde postapocalyptique, dans lequel elle communique avec une voix désincarnée. Cependant, les éditions Delcourt ont choisi d’annuler le projet après avoir pris connaissance de sa création par IA. En effet, la maison d’édition s’inquiétait d’envoyer un mauvais signal aux acteurs de la profession et de ne pas rendre justice aux nombreux artistes qui n’ont pas évidemment recours à ce type de technologie.

Voir aussi : Une dizaine d’artistes intente un recours collectif contre des sociétés d’IA

« D’ailleurs, ce n’est pas vraiment leur décision. Ce sont les pressions de trois salariés qui sont montés au créneau pour dire que c’était envoyer un mauvais signal », expliquait l’auteur à l’AFP. Cependant, malgré l’audace de son projet, beaucoup déplorent le fait qu’il légitime l’utilisation d’un tel logiciel. En effet, les technologies alimentées à l’IA posent plusieurs problématiques dans le milieu artistique, notamment parce qu’elles se basent sur des œuvres existantes pour en créer de nouvelles. En février 2023, le Bureau du Copyright aux Etats-Unis a d’ailleurs retiré les droits sur les images d’une BD à son auteure, car elles avaient été générées par intelligence artificielle. Dans le communiqué officiel, l’institution précise que l’écrivaine possède un copyright sur le texte de l’œuvre et sur le choix des images, mais pas sur les planches en elle-même.

Malgré le refus de son éditeur, Thierry Murat s’est tourné vers l’autoédition et le financement participatif. En quelques semaines, le projet Initial_A. a ainsi réuni plus de 23 000 euros et pu être publié début octobre, avec un lancement à 2 000 exemplaires. Cependant, malgré sa conscience d’avoir créé « un malaise dans la profession », l’auteur ne se sent pas en faute quant à cette sortie unique en son genre. « Je n’ai rien fait d’illégal. Je n’ai pas mis en danger le secteur de l’édition. Je ne porte pas la responsabilité de l’invention de cette machine. Je suis juste un artiste libre, qui se permet de porter un regard sur le monde, en ajoutant cet outil dans ma trousse de créateur », détaillait-il à l’AFP.

Voir aussi : Plus de 16 000 artistes auraient contribué (à leur insu) à entraîner l’IA de MidJourney

Néanmoins, il est important de souligner que l’illustrateur ne connaît pas les limites réelles de l’inspiration de MidJourney pour sa nouvelle BD et ne peut donc certifier qu’elle ne repose pas en partie sur des œuvres existantes. Aux Etats-Unis, plusieurs artistes dont George R. R. Martin, Jonathan Franzen et John Grisham souhaitent d’ailleurs poursuivre Open AI pour utilisation illégale de leurs œuvres à travers le générateur de texte par IA, ChatGPT…


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *