Un tableau réattribué à Rubens par le Musée d’art de l’université de Princeton

En 2019, le conservateur en chef du Musée d’art de l’université de Princeton, aux Etats Unis, a retiré une œuvre de sa collection pour restauration et réévaluation. Etiquetée dans les années 1990 comme « anciennement attribuée à Peter Paul Rubens », la peinture faisait débat au sein de l’institution. Dès la réouverture du musée en 2025, le tableau La Mort d’Adonis retrouvera la salle d’exposition, enfin réattribuée à son créateur : Rubens.

Esquisse de La Mort d'Adonis, Peter Paul Rubens
Esquisse de La Mort d’Adonis, Peter Paul Rubens

L’attribution d’œuvres demeure encore un processus particulièrement complexe dans le domaine de l’art. Certains tableaux restent longtemps dans l’ombre des musées, loin de la reconnaissance qu’ils méritent. La Mort d’Adonis (vers 1614), signée par le célèbre Peter Paul Rubens (1577-1640), en est d’ailleurs un exemple criant.

Le tableau a été vendu par le château de Knole, en Angleterre, à l’université de Princeton, aux Etats-Unis, en octobre 1930. A l’époque, le New York Times rapportait que l’œuvre faisait partie de l’inventaire de « l’assistant en chef » de Rubens et « certifié authentique par le Dr Hermann Gluck du Musée national de Vienne ». La même année, Frank Jewett Mather Jr, critique d’art et professeur à Princeton, soulignait dans un bulletin du département d’art de l’université que « Rubens est peut-être l’artiste le plus essentiel pour tout musée éducatif. Heureusement, il était prolifique. Le problème est d’obtenir son autobiographie, en éliminant ces milliers de toiles réalisées sur ses dessins par des assistants ».

Peu après, l’authenticité de l’œuvre a été confirmée par Baldwin Smith, superviseur du programme d’études de Princeton. Dans un discours au comité de visiteurs du musée en 1931, il déclarait notamment que : « L’étudiant peut être amené à voir, dans ce tableau, le mouvement libre, oscillant et la course dynamique de la chasse balayée sur la toile sans délibération étudiée, comme si Rubens, de manière enthousiaste, sensuelle et décorative, avait ressenti le jeu dans tout son corps et avait donc spontanément peint ses sensations presque comme des gestes intuitifs. » Le musée a donc répertorié La Mort d’Adonis comme un véritable Rubens jusqu’en 1966.

Cependant, le Corpus Rubenianum Ludwig Burchard (sous-titré « Un catalogue raisonné illustré de l’œuvre de Pierre Paul Rubens basé sur le matériel rassemblé par feu le Dr Ludwig Burchard en vingt-six parties ») répertoriant les œuvres de l’artiste a soulevé nombre de critiques à la même époque. Après la mort de Ludwig Burchard en 1960, près de 60 tableaux ont d’ailleurs été soupçonnés d’avoir été mal attribuées à Rubens par le spécialiste. Le Corpus lui-même a subi un examen approfondi de la part d’autres experts avant sa publication officielle en 1968. Néanmoins, le catalogue évoquait La Mort d’Adonis, et Ludwig Burchard avait même précisé : « Je crois que la reconnaissance récente par [Julius] Held du panneau à Princeton comme étant l’original de Rubens peut être acceptée. » En 1980, Julius Held a confirmé l’attribution du tableau à Rubens dans son catalogue The oil sketches of Peter Paul Rubens (Les esquisses à l’huile de Peter Paul Rubens). Il précisait alors : « je suis convaincu que l’esquisse de Princeton est l’originale. »

Cependant, dans les années 1990, l’œuvre a été étiquetée par le Musée d’art de Princeton comme « anciennement attribuée à Peter Paul Rubens ». En 2019, le conservateur en chef de l’institution a choisi de retirer le tableau de la collection du musée afin qu’il subisse une restauration et, par la même occasion, une réévaluation.

En octobre 2023, Ronni Baer, la nouvelle conservatrice et conférencière du musée de l’université de Princeton a déclaré à ARTnews que La Mort d’Adonis était bien un authentique Rubens. Elle a précisé que le travail préparatoire autour de l’œuvre avait été important et que son équipe était « ravie » d’une telle découverte. De même, le site web du musée de l’Université de Princeton a été mis à jour et compte de nouveau l’esquisse dans sa collection dédiée à l’artiste. Il s’agit donc de la quatrième œuvre de Rubens de la collection de l’institution.

De plus, cette nouvelle attribution est une victoire pour le musée d’art de l’université de Princeton. Bien qu’il soit fermé jusqu’en 2025, l’édifice a effectivement fait l’objet d’une controverse récente, à cause de l’architecte David Adjaye. En charge du nouveau bâtiment du musée qui sera dévoilé au public dans deux ans, M. Adjaye a été accusé d’inconduite sexuelle en juillet dernier. A la suite de cette accusation, le directeur du musée James Steward a déclaré au journal Daily Princetonian que « la construction étant si avancée, la majeure partie de notre travail avec Adjaye est derrière nous. Nous avons la responsabilité envers toutes les personnes impliquées dans ce projet et tous ceux qui en bénéficieront de le mener à bien… ».


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