NFT : la fin d’une tendance artistique aussi éphémère qu’inédite

En 2021, les NFT ou jetons non-fongibles, ont provoqué une véritable hystérie collective. Rattachés à des œuvres d’art numériques, ces jetons ont fait couler beaucoup d’encre dans les derniers mois, notamment à cause de leur valeur parfois spectaculaire. Cependant, une récente étude menée par des experts en cryptomonnaie révèle que ces actifs numériques ne valent déjà plus rien.

Cette image du meme "Nyan Cat" (populaire de 2011 à 2012)  peut être téléchargée ici gratuitement. Toutefois, son NFT a été vendu pour 500 000$ en 2021.
Cette image du meme « Nyan Cat » (populaire de 2011 à 2012) peut être téléchargée ici gratuitement. Toutefois, son NFT a été vendu pour 500 000$ en 2021.

En parallèle de la démocratisation record des crypto-monnaies, un phénomène a récemment défrayé les chroniques du domaine : les jetons non-fongibles, ou NFT. Ces actifs numériques, valant comme certificats d’authenticité, étaient rattachés à des œuvres d’art numériques, n’ayant parfois aucune réelle valeur artistique. En effet, certains NFT étaient lié à des « œuvres virtuelles » plutôt absurdes, comme une image du célèbre « nyan cat » (meme internet populaire de 2011 à 2013), un segment d’une photographie d’un tableau de Salvador Dali, une poubelle capturée par un artiste américain et retouchée sur PhotoShop, le fameux meme Disaster Girl (photographie d’une petite fille devant une maison en flammes), dont le modèle a elle-même vendu son NFT pour 450 000 euros ou encore une symphonie faite de flatulences… En 2021, certains NFT ont été acquis pour des sommes records lors de ventes aux enchères virtuelles.

Aux yeux de certains experts, cette tendance représentait l’avenir du domaine, voire une révolution dans le marché de l’art. D’autres, cependant, considéraient ce phénomène comme particulièrement absurde et avaient déjà prédit sa conclusion rapide. C’est notamment le cas de Nicholas Weaver, professeur d’informatique à UC Berkeley. Interrogé par Business Insider en mars 2021, l’expert assurait que les NFT étaient « une pure folie spéculative » et « une bulle prête à éclater ». « Il s’agit totalement d’une tulipomanie classique [NDLR : soudain engouement pour les tulipes au XVIIe ayant entraîné une forte hausse, suivie d’un effondrement total du cours de la tulipe], mais où les tulipes sont enregistrées sur un support différent », expliquait-il au média. Malheureusement pour les millions d’internautes ayant acquis des NFT dans les deux dernières années, le professeur Nicholas Weaver avait bel et bien raison.

95% des œuvres liées aux NFT n’ont plus aucune valeur

En septembre 2023, le collectif d’experts en cryptomonnaies Dapp Gambl a mené une étude sur les NFT et l’évolution de leur valeur depuis 2021. Selon eux, sur les plus de 73 000 collections de jetons non-fongibles du marché actuel, près de 70 000 d’entre elles ont une capitalisation boursière de 0 ETH, soit zéro Etherum. Ce chiffre révèle ainsi que 95% des personnes possédant des collections NFT actuellement possèdent, en fait, des investissements sans aucune valeur. D’après Dapp Gambl, cette statistique correspond à près de 23 millions de personnes détentrices de NFT à travers le monde. Dans le rapport d’étude, les experts expliquent d’ailleurs que « cette réalité décourageante devrait faire oublier l’euphorie qui a souvent entouré le marché des NFT. Au milieu des histoires d’œuvres d’art numérique qui se vendent à des millions d’euros et des success stories du jour au lendemain, il est facile d’oublier que le marché est semé d’embûches et de pertes potentielles ».

Toutefois, l’étude de Dapp Gambl a approfondi le sujet et révélé d’autres statistiques tout aussi surprenantes. En effet, le rapport dévoile également que seules 21% de ces collections de NFT sont entièrement vendues. En somme, 79% des collections de jetons non-fongibles à l’heure actuelle demeurent invendues. Ce déséquilibre impressionnant démontre ainsi que l’offre de NFT est, en réalité, trop grande face à la demande réelle sur le marché actuel. De fait, les acquéreurs sont évidemment devenus plus exigeants et perspicaces quant à l’achat de ces œuvres numériques. Aussi, les projets de NFT n’ayant pas de narration précise, de valeur artistique réelle ou de cas d’utilisation clairs sont délaissés par les investisseurs et n’attireront probablement pas d’acheteurs. Tout comme la précédente, cette statistique rappelle que le marché des jetons non-fongibles demeure hautement volatile et spéculatif, malgré son côté révolutionnaire et innovant.

Une effervescence néfaste pour la planète

La chute brutale du marché des NFT représente évidemment une perte importante pour les quelques 23 millions de détenteurs de ces actifs numériques à travers le monde. Cependant, Dapp Gambl estiment que les NFT pourraient survivre en se transformant. « Les NFT doivent devenir historiquement pertinents (comme les cartes Pokémon de première édition), être de l’art véritable ou fournir une vraie utilité. » Cependant, cela ne résoudrait pas le problème majeur des NFT : leur impact environnemental.

L’étude rappelle que la création de ces actifs numériques aurait nécessité une énergie comparable à 27 789 258 kWh, soit une émission de plus de 15 tonnes de CO2. Afin de donner une échelle plus précise, les experts de Dapp Gambl ont détaillé que cette pollution est équivalente à celle de 2048 foyers, de 3531 voitures ou de 4061 voyageurs aériens entre Londres, en Angleterre, et Wellington, en Nouvelle Zélande. Malgré son aspect novateur et révolutionnaire, la tendance des NFT aura donc eu un impact considérable sur la planète. Ainsi, la perte de valeur impressionnante des NFT à l’heure actuelle devrait également nous mettre en garde quant à l’éphéméréité des phénomènes numériques et à leurs effets catastrophiques sur notre environnement.

A l’atonie du marché, s’ajoute également la multiplication de scandales. Aux Etats-Unis, Yuga Labs, l’entreprise qui a créé la célèbre collection de vignettes de singes, fait face à deux procédures collectives de la part d’investisseurs dont la valeur de leurs œuvres a considérablement diminué. La Commission des valeurs mobilières et des changes (SEC), l’organisme fédéral américain qui réglemente et surveille les marchés financiers, a récemment condamné l’actrice Mila Kunis et son projet de NFT « Stoner Cat », qui était censé financer une série TV considérant que cela violait les règles sur les actifs financiers. En France, une enquête a révélé le rôle suspect de l’acteur Kev Adams dans un projet similaire, causant des pertes dépassant le million d’euros pour les personnes ayant acheté les NFT associés à ce projet.


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