Crise financière, délaissement administratif, manque de visibilité… Pierre Oudart a remis les conclusions de sa mission sur la situation préoccupante des 33 établissements publics de coopération culturelle délivrant des diplômes en art et en design en France, et pointe le manque de cohérence de l’Etat.
Pierre Oudart, directeur général de l’Institut national supérieur d’enseignement artistique Marseille Méditerranée (INSEAMM), a remis, lundi 9 octobre, un rapport sur la situation préoccupante des 33 écoles d’art territoriales, commandé par la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, au printemps dernier.
Le rapport analyse le fonctionnement et le financement de ces anciennes régies municipales, devenues « pour la quasi-totalité » des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) en 2011, qui sont principalement créées et financées par les collectivités. Il examine aussi les relations entre l’Etat et les collectivités et propose des adaptations nécessaires. L’étude se base sur l’audition de plus de 150 personnes, présentée en partie au Conseil national des territoires pour la Culture à Avignon, le 12 juillet dernier.
Des problématiques financières, administratives et structurelles
Les écoles d’art territoriales font face à de multiples difficultés. En premier lieu, ces établissements sont aux prises avec une crise financière, qui s’accroît chaque année, notamment en raison de la diminution des financements des collectivités et de la hausse des loyers. En mars 2023, la ministre de la Culture avait d’ailleurs annoncé un fonds de 2 millions d’euros pour ces écoles, une mesure d’urgence en attendant les résultats de cette enquête.
A cela s’ajoute une lourdeur administrative croissante pour se conformer aux normes nationales (Parcoursup, gestion de la CVEC, demandes d’habilitation et d’accréditation…), ainsi qu’une « lassitude de devoir répondre en permanence à des appels à manifestation d’intérêt » qui ne leur rapportent pas beaucoup, mais qui intensifient la charge administrative et les mettent en concurrence avec les autres écoles. Un sentiment d’iniquité grandissant est ressenti entre les établissements entièrement financés par l’Etat et les EPCC, ce qui renforce le sentiment d’un désintérêt du ministère de la Culture pour ces structures. Le budget public consacré à ces écoles est faible par rapport à d’autres secteurs culturels. En 2022, les EPCC ont bénéficié de 120 millions d’euros de fonds public, dont près de la moitié venaient des communes (44 %) et de leurs groupements (36 %), un dixième de l’Etat (12 %) et le reste des régions (6 %) et des départements (2 %).
Par ailleurs, cette crise conjoncturelle a mis en lumière « les défauts de structures » de ces établissements spécifiques. Le manque d’harmonisation dans les modes de financement des écoles d’art et le manque de reconnaissance de leur statut d’établissement d’enseignement supérieur sont également des problèmes majeurs. Ces problèmes ont été exacerbés par l’absence quasi-totale de ces écoles dans les schémas de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Les solutions proposées par le rapport Oudart
Dans son rapport, Pierre Oudart propose une série de recommandations pour rétablir la stabilité et favoriser la croissance de ces établissements. Parmi celles-ci, on note la nécessité de « clarifier l’épineux problème du financement ». L’auteur propose de distinguer dans la définition des contributions financières « ce qui relève de la masse salariale [qui représente 80 % de leur budget de fonctionnement] […] et du fonctionnement courant de l’établissement, qui doit être financé par les collectivités, de tout ce qui relève des enseignements, de la recherche, des diplômes, de la vie étudiante, des bourses et des investissements, qui peut être partenarial avec l’Etat ou des collectivités non fondatrices de l’EPCC ».
Le rapport préconise aussi une révision des statuts des EPCC et la mise en place plus systémique de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ainsi que la mise en œuvre d’un pilotage territorialisé des enseignements artistiques. Il recommande également de clarifier par la loi les rôles respectifs et partagés des collectivités et de l’Etat, de « refondre en profondeur les maquettes des enseignements supérieurs et les diplômes », de créer des certifications complémentaires à la formation artistique et de développer l’alternance et la formation continue. Enfin, Pierre Oudart suggère de mieux valoriser les écoles en imaginant des temps et des modes de communication adaptés.
Le rapport complet est consultable ici.
Laisser un commentaire