Inscrite sur la liste du patrimoine mondial depuis 1987, le statut de Venise avait été remis en question par l’UNESCO, qui recommande l’inscription de la ville sur la liste du patrimoine mondial en péril. Mais, le Comité du patrimoine mondial, réuni à Riyad (Arabie Saoudite) le 14 septembre, a décidé de rejeter les recommandations de l’UNESCO.
En 2021, Venise avait déjà été menacée d’inscription sur la liste du patrimoine en danger, mais l’Italie avait réussi à éviter de justesse cela en interdisant l’accès des grands navires de croisières dans le canal de la Giudecca et dans le Bassin et canal de Saint-Marc.
Cependant, les experts de l’UNESCO ont estimé dans un rapport publié le 31 juillet que les mesures prises jusqu’à présent ne sont pas suffisantes et qu’il faut des progrès significatifs pour protéger Venise. Au cœur du problème, la gestion du tourisme de masse, le développement urbain sans études d’impacts, les bateaux à moteurs et des problèmes environnementaux de la lagune.
Cependant, le Comité du patrimoine mondial, composé de 21 Etats membres, a considéré que Venise faisait suffisamment d’efforts. Le Japon, notamment, a fait valoir les efforts de l’Italie en rappelant la loi visant à bloquer l’entrée des grands navires dans la ville. Le Mexique, quant à lui, a souligné le problème du dépeuplement de la cité des Doges, qui ne compte plus que 50 000 habitants contre 150 000 en 1951. La redevance d’accès, qui vient d’être votée par le Conseil municipal et qui sera testé dès le printemps 2024, a également été perçu par le Comité comme un effort pour tenter de sauver la ville et limiter le flux des touristes d’un jour, qui seront soumis à une taxe de 5 euros pour entrer dans la cité lagunaire pendant les 30 jours les plus fréquentés de l’année.
Le maire de Venise, Luigi Brugnaro, présent à Ryad, s’est félicité auprès du quotidien italien Repubblica de cette décision, qu’il a qualifiée de « reconnaissance des efforts que nous faisons pour sauvegarder Venise ». Il a également dénoncé la proposition des experts de l’UNESCO, qu’il considère de « très politique et peu technique ». Le ministre italien de la Culture, Gennaro Sangiuliano, a abondé dans ce sens, affirmant que la proposition était « une manœuvre indue, purement politique et sans ancrage sur des données objectives » et que ces derniers mois, « la municipalité a pris des mesures courageuses pour gérer le tourisme et garantir la protection de l’extraordinaire patrimoine culturel de la ville ».
Mais cette victoire diplomatique ne fait pas l’unanimité. Plusieurs associations et conseillers municipaux ont critiqué le vote du Comité du patrimoine mondial, craignant que celui-ci ne soit basé que sur la mise en place du droit d’entrée. Marco Gasparinetti, conseiller muncipal et avocat, a déclaré que « la ville est au contraire en plein désarroi » et que « la mesure sur la contribution d’accès, prise au moment de Riyad, était une feuille de vigne pour essayer de montrer que l’on fait quelque chose ». Pour Monica Sambo, secrétaire du Parti démocrate, cette redevance n’est qu’une « opération de communication bien orchestrée pour ceux qui […] ne voient Venise que d’en haut ».
Venise n’est cependant pas tirée d’affaire. L’UNESCO a annoncé son intention d’envoyer une délégation et de présenter un nouveau rapport sur les problèmes de la ville d’ici février 2024. L’objectif est de réexaminer la question de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial en péril, l’été suivant.
Quelle est cette liste à laquelle Venise est exposée ?
La « Liste des sites du patrimoine mondial en péril » est un registre tenu par l’UNESCO qui identifie les sites du patrimoine mondial qui nécessitent une action de conservation urgente. Elle vise à la fois à sensibiliser la communauté internationale aux menaces qui pèsent sur le patrimoine culturel et à fournir une assistance financière et technique aux gouvernement locaux. L’inscription ou le retrait d’un site de cette liste dépend de l’évaluation de son état et de l’efficacité des mesures de conservation.
Au moment de cette prise de décision, 55 sites figuraient sur cette liste, dont quatre en Europe : le centre historique de Vienne (Autriche), le paysage minier de Rosia Montană (Roumanie), les monuments médiévaux au Kosovo (Serbie) et le centre historique d’Odessa (Ukraine).
A ces quatre sites, il faut désormais ajouter deux autres sites du patrimoine culturel ukrainien : la cathédrale Sainte Sophie et l’ensemble des édifices monastiques associés à Kiev, ainsi que le centre historique de Lviv. Ces deux sites ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial en danger le 15 septembre par le Comité du patrimoine mondial, en raison de la menace de destruction que représente l’offensive russe.
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