Acheté en ligne, un « faux » Degas s’avère être une œuvre authentique de l’artiste

En 2021, un chineur espagnol a acquis un « faux » Degas pour 926€ sur le site de ventes aux enchères Todocoleccion. Attiré par l’œuvre, il a demandé conseil à l’expert Michel Schulman, persuadé qu’il s’agissait d’une création authentique de l’artiste. Deux ans plus tard, l’Eloge du maquillage (1876) a été authentifiée comme un véritable Degas et estimée à près de 12 millions d’euros.

Edgar Degas, Eloge du maquillage, 1876 (Crédit : Juan Arjona)
Edgar Degas, Eloge du maquillage, 1876 (Crédit : Juan Arjona)

Si les trouvailles insolites sont courantes dans le monde de l’art, rares sont celles dont les estimations dépassent quelques dizaines de milliers d’euros. Cependant, le chineur anonyme qui a récemment acheté un véritable Degas pour 926 € sur le site de Todocoleccion ne s’attendait certainement pas à acquérir une œuvre aussi importante. En effet, une expertise a permis d’authentifier le tableau comme étant de la main de l’artiste et de l’estimer à près de 12 millions d’euros. L’Eloge du maquillage (1876) représente une scène connue de bordel, à la fin du XIXe siècle, et est portée disparue depuis plusieurs décennies.

« Après une analyse exhaustive des pigments, une étude méticuleuse réalisée à l’aide de rayons X et de photographies, entre autres techniques, » expliquait Michel Schulman au journal El Pais, l’un des experts chargés d’authentifier l’œuvre. Cette dernière a été analysée à Madrid en juillet 2023 et la peinture a été datée par les experts. Selon M. Schulman, l’Eloge du maquillage est liée à d’autres tableaux du peintre français. « Degas avait l’habitude de travailler dans ses tableaux à partir d’une scène ou d’un personnage d’une autre œuvre antérieure, » précisait-il au quotidien espagnol. De même, l’expert conclut que la signature présente dans la peinture a été apposée lors de sa réalisation et non de manière ultérieure.

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Pourtant, cette signature n’a pas été considérée par l’ancien propriétaire du tableau. Ayant hérité de l’œuvre par sa famille, il croyait qu’il s’agissait d’une reproduction achetée en 1940 par son ancêtre Joan Llonch Salas, ancien président de la Banco Sabadell de Catalogne. Or, Eloge du maquillage a beaucoup voyagé avant d’être acquise par ce collectionneur. En 1887, l’artiste Julián Bastinos l’a effectivement achetée à Degas lui-même pour 3000 francs. A l’époque, le peintre français a décrit cette transaction dans une lettre adressée au chanteur d’opéra Jean-Baptiste Faure. Par la suite, le tableau a voyagé avec Bastinos jusqu’au Caire, en 1910, où il fut officiellement encadré.

Huit ans plus tard, à la mort de Juliàn Bastinos, la peinture a été récupérée par son frère, Antonio J. Bastinos, et ramenée à Madrid. En 1934, l’Eloge du maquillage a été réquisitionnée par les autorités franquistes, en même temps qu’une centaine d’œuvres de la collection de la famille Bastinos. Toutes ont été mises en sécurité dans le monastère de Pedralbes pendant la guerre civile espagnole, jusqu’à être récupérées en 1939. L’année suivante, la famille Bastinos a vendu le tableau à Llonch pour 3000 pesetas. Le banquier et collectionneur prêta plusieurs fois la peinture pour des expositions impressionnistes, jusqu’en 1952, où le Degas fut aperçu en public pour la dernière fois.

Cette épopée considérable de l’Eloge du maquillage a pu être confirmée par les nombreuses étiquettes apposées au dos de l’œuvre et vérifiées par l’équipe de M. Schulman. L’authentification du tableau a été réalisée de concert avec les historiens de l’art Judith Urbano et Álvaro Pascual, et le consultant Juan Arjona Rey de Consultores Rey.

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