« Face à une œuvre d’art que l’on apprécie, notre cerveau va sécréter de multiples neurotransmetteurs bénéfiques : de la dopamine, impliquée dans le mouvement et l’élan vital, de la sérotonine, souvent appelée ‘’hormone du bonheur’’. » – Pierre Lemarquis, neurologue
Depuis quelques années, une prescription médicale d’un nouveau genre émerge : les « ordonnances muséales ». Initiée au Canada en 2018, cette pratique permet aux médecins de prescrire des visites muséales, au même titre que des médicaments ou des séances de sport. Un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de 2019, basé sur plus de 900 publications, confirme les bienfaits de l’art sur la santé physique et mentale. Inspirée par ces initiatives, la France a également innové en matière de santé publique.
Depuis plus de dix ans, le Palais de beaux-arts de Lille multiplie les actions favorisant les liens entre la culture et la santé. Fort du succès de cette politique, le musée est allé plus loin en signant une convention triennale signée le 6 novembre avec le Centre Hospitalier Universitaire (CHU). Depuis le mois de juin 2023, le musée propose ainsi 140 ateliers d’art-thérapie par an, afin d’accueillir jusqu’à 1 400 patients issus des services du CHU de Lille ouverts à la prescription. Les séances sont notamment ouvertes aux patients atteints de la maladie d’Alzheimer suivis au Centre Mémoire du CHU ou encore aux femmes qui suivent un parcours AMP (Assistance médicale à la procréation).
À Montpellier, le Pr Philippe Courtet, chef des urgences psychiatriques du CHU, a lancé un projet similaire baptisé « L’Art sur ordonnance » à l’espace Montpellier contemporain (MO.CO). Ce dispositif, destiné aux personnes ayant vécu une crise dépressive – mais non hospitalisées, inclut des visites d’expositions et des ateliers pratiques. Le Pr Courtet souligne que ce programme, soutenu par l’agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, « n’est pas de la prévention, mais bien un soin complémentaire ». Les études récentes en neuro-imagerie démontrent que contempler des œuvres d’art stimule des régions cérébrales associées au plaisir et à l’introspection. De plus, la muséothérapie en groupe « permet de lutter contre la solitude, d’autant plus chez les patients déprimés ». « Des premières évaluations, réalisées auprès de quarante patients, mettent en évidence une amélioration de leurs symptômes dépressifs. L’art agirait comme un tremplin existentiel. En amenant les personnes à développer une sensibilité artistique et des compétences créatives, on les aiderait à retrouver un sens, un but, une identité », analyse le spécialiste.
A Lyon, l’approche est différente : c’est le musée qui vient à l’hôpital. L’établissement s’est équipé d’une artothèque regroupant une quarantaine de peintures et de photographies que les patients peuvent emprunter le temps de leur hospitalisation. L’objectif : sortir les personnes alitées de leur solitude et à atténuer leurs souffrances. « Face à une œuvre d’art que l’on apprécie, notre cerveau va sécréter de multiples neurotransmetteurs bénéfiques : de la dopamine, impliquée dans le mouvement et l’élan vital, de la sérotonine, souvent appelée “hormone du bonheur”, et de la morphine endogène, qui calme les douleurs et diminue l’anxiété », détaille le neurologue Pierre Lemarquis, président de l’association L’Invitation à la beauté. « Ces soins contemplatifs seraient à même de donner l’envie de guérir. »
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