Le Kunstmuseum de Bâle rejette la demande de restitution d’un tableau

Le tableau acquis par le musée suisse en 1940 est considéré par le requérant comme « vendu sous la contrainte ». L’institution, quant à elle, considère qu’il ne s’agit pas d’une œuvre spoliée et préconise des négociations en vue d’une « solution juste et équitable ».

Henri Rousseau (1844-1910), La Muse inspirant le poète, 1909, huile sur toile, 146 x 96 cm, Kunstmuseum Basel
Henri Rousseau (1844-1910), La Muse inspirant le poète, 1909, huile sur toile, 146 x 96 cm, Kunstmuseum Basel

Dans un communiqué du 16 janvier 2024, le Kunstmuseum de Bâle a fait savoir qu’il ne restituerait pas le tableau La Muse inspirant le poète / Apollinaire et sa muse (1909) du peintre figuratif français Henri Rousseau (1844-1910), dit Le Douanier Rousseau. Ce double portrait, qui représente le poète Guillaume Apollinaire et sa muse, Marie Laurencin, a été acquis par le musée bâlois en 1940 auprès de la comtesse Charlotte von Wesdehlen, d’origine juive.

En 2021, les avocats d’un prétendant à la succession de la comtesse ont demandé au Kunstmuseum de vérifier les circonstances de cette acquisition. Si l’enquête sur les faits historiques confirme que le tableau a été vendu sous la pression des persécutions nazies, elle ne reconnaît pas pour autant le droit à la restitution.

En effet, selon l’enquête, le tableau fait partie des cas traités en Suisse comme des ventes de « biens en fuite ». Ce terme, introduit dans le rapport Bergier, désigne les « œuvres d’art que leurs propriétaires ont emportées et vendues dans un pays tiers sûr, comme la Suisse, pour échapper aux persécutions nazies ». Le rapport Bergier, publié en 2002, est le résultat d’une commission d’experts extraparlementaire suisse qui a étudié le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale. L’histoire de Charlotte von Wesdehlen y est spécifiquement mentionnée.

Contrairement aux « biens spoliés », qui ont été volés ou confisqués aux propriétaires juifs par le régime nazi, les « biens en fuite » ont été vendus à un prix conforme au marché, que les vendeurs pouvaient fixer librement. Le tableau du Douanier Rousseau a été cédé à un prix bas par la comtesse pendant la guerre, car elle avait besoin d’argent pour vivre en Suisse. Il ne s’agit donc pas d’une spoliation.

Estimant qu’il n’existe pas de droit à la restitution, le musée a déclaré dans son communiqué que « des négociations pour trouver une « solution juste et équitable » ont été préconisées et ont déjà commencé », en vertu des Principes de Washington (1998) qui invite les institutions culturelles à examiner les cas de restitution des œuvres d’art liées à la période nazie.

Le tableau est actuellement accroché dans l’exposition « Matisse, Derain et leurs amis. L’avant-garde parisienne des années 1904-1908 » du Neubau (nouveau bâtiment). Lorsqu’il retrouvera son emplacement d’origine dans la collection permanente du Hauptbau (bâtiment principal), le musée prévoit d’intégrer un cartel détaillant les origines de l’œuvre, ainsi qu’un QR code approfondissant l’histoire de l’œuvre.


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