Des musées autrichiens refusent de restituer des œuvres aux héritiers de Fritz Grünbaum

Au début de l’automne, les héritiers du collectionneur juif Fritz Grünbaum ont saisi le bureau du procureur de Manhattan, Alvin Bragg, et demandé la restitution de plusieurs œuvres ayant été dérobées à leur ancêtre. Les musées américains visés par cette plainte ont rapidement remis les tableaux d’Egon Schiele à la famille. Cependant, des institutions autrichiennes n’ont pas réagi de la même manière et la procédure de restitution est, pour l’heure, interrompue.

Musée Albertina, Vienne
Musée Albertina, Vienne

Avant sa déportation, puis son décès à Dachau en 1941, Fritz Grünbaum (né en 1880) était un grand collectionneur juif, qui avait accumulé plusieurs centaines d’œuvres au fil des ans. Selon ses héritiers, cet artiste des années 1930 aurait notamment acquis près de 80 œuvres réalisées par Egon Schiele (1890-1918), un peintre expressionniste autrichien. Ces dernières années, la famille de Grünbaum tente de reconstituer la collection et de récupérer les différentes œuvres qui ont été dérobées lors de sa déportation. De fait, plusieurs actions en justice ont été menées contre des musées américains et autrichiens, visant à la restitution des objets d’art.

En décembre 2022, Timothy Reif, Milos Vavra et Leon Fraenkel, des descendants de Fritz Grünbaum, ont intenté une poursuite contre le Musée Leopold, le Musée Albertina et le gouvernement autrichien. Ces trois institutions possèdent effectivement des œuvres ayant appartenu au collectionneur avant qu’il ne soit déporté au camp de concentration de Dachau. Or, malgré l’action en justice, les musées autrichiens n’ont pas accepté de restituer les tableaux aux héritiers de Grünbaum. Le juge fédéral de Manhattan – en charge de l’affaire – a donc interrompu la procédure pour une durée de six mois. De leur côté, les plaignants ont récemment modifié leur déclaration de 67 pages afin d’appuyer leur demande.

« En dépit de la demande et des preuves accablantes que les œuvres d’art ont été volées à Grünbaum par le régime nazi en violation du droit international, l’Autriche a refusé de restituer les œuvres d’art », détaille leur plainte modifiée. En effet, la justice autrichienne n’a pas coopéré avec les autorités américaines pour la restitution des œuvres. « Les tribunaux autrichiens ont fermé les portes du palais de justice en imposant des barrières financières impossibles à franchir pour les demandeurs et en imposant une charge de la preuve impossible à supporter », ont expliqué les avocats de la famille de Grünbaum. La charge de la preuve demandée par les tribunaux autrichiens concerne notamment la provenance des œuvres et une justification juridique de leur revendication de propriété.

De leur côté, des représentants du Musée Leopold ont comparu devant la justice américaine et demandé le rejet de l’action intentée contre l’institution. De même, les héritiers de Fritz Grünbaum ont rencontré de nombreuses difficultés quant à leur plainte contre le Musée Albertina. D’après une déclaration de Claudia G. Jaffe, leur avocate, c’est comme si la signification de l’acte de procédure contre ce musée n’avait pas été effectuée. « Nous avons communiqué avec le département d’État des États-Unis pour connaître l’état d’avancement des efforts déployés pour signifier l’acte de procédure au musée Albertina, mais à ce jour, nous n’avons reçu aucune indication que l’acte de procédure ait été signifié au musée Albertina », expliquait-elle.

Une affaire de diplomatie et de politique

Comme la plupart des actions en justice menant à la restitution d’œuvres, l’affaire des héritiers de Fritz Grünbaum implique de très hauts niveaux de diplomatie entre deux pays, soit les Etats-Unis et l’Autriche. Par le passé, le gouvernement autrichien a d’ailleurs résisté à plusieurs demandes de restitutions liées au musée Albertina. Cependant, la famille du collectionneur affirme que l’Autriche est tenue par le traité de 1955 – lui ayant donné son indépendance – ainsi que plusieurs lois américaines, de leur remettre les œuvres. D’un point de vue juridique, les avocats ont d’ailleurs précisé que « la loi prévoit une juridiction et un recours en vertu de la loi new-yorkaise, puisque la plupart des œuvres ont fait l’objet d’un trafic à travers New York à un moment où elles appartenaient aux héritiers Grünbaum résidant à New York ».

Néanmoins, le juge fédéral de Manhattan a préféré imposer un sursis de six mois dans l’affaire, afin de donner le temps aux plaignants de traiter leur action en justice contre le Musée Albertina.


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *