A la fin du mois de juin, le groupe Moms for Liberty organisait la cérémonie de réception de bienvenue de l’événement Joyful Warriors National Summit au musée de la Révolution américaine de Philadelphie. Connu pour sa lutte contre les droits LGBTQ+ et l’antiracisme, la présence du collectif a été lourdement critiquée par les historiens.
« En tant que plus grande organisation professionnelle d’historiens aux Etats-Unis, l’OAH [NDLR Organisation Américaine d’Historien] exprime, sans équivoque, son opposition quant aux actions de M4L [NDLR : Moms for Liberty] et à celles de groupes similaires qui déforment l’Histoire et la pratique historique », détaillait l’Organisation Américaine d’Historiens dans une lettre intitulée « Déclaration sur les menaces à l’Histoire inclusive ». « L’agenda de ces groupes contient plusieurs préjudices : contre une Histoire exacte et inclusive, contre le travail effectué chaque jour par notre communauté d’historiens ainsi que contre les historiens eux-mêmes, surtout ceux membres des communautés LGBTQ+ ou BIPOC [NDLR : Noirs autochtones et personnes de couleur] ».
Etroitement lié au parti républicain et ouvertement conservateur, le groupe Moms for Liberty lutte notamment contre les programmes scolaires mentionnant la race et l'ethnicité, la théorie critique de la race et la discrimination, les droits LGBTQ+. Par le passé, plusieurs chapitres du collectif ont également milité pour interdire les livres traitant du genre et de la sexualité dans les bibliothèques scolaires. Aux yeux des historiens, il s’agit donc d’une volonté de déformer l’Histoire et de contrer le travail de nombreux professionnels quant aux recherches historiques et archéologiques.
« Nous condamnons ces groupes qui menacent par leurs mots et leurs actions la liberté pour les enseignants d’éduquer, pour les étudiants d’apprendre, pour les universitaires de produire et d’amplifier des histoires de discrimination systémique, mais aussi la sécurité des personnes pour lesquelles cette discrimination se répercute encore aujourd'hui », détaille la lettre de l’OAH. « La normalisation accrue de ces groupes dans l’espace national public est un scandale ».
Une semaine auparavant, le Comité d’Histoire lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre a spécifié que Moms for Liberty est un groupe « extrémiste ». « En donnant à [ce groupe] une plateforme dans une institution historique, le musée de la Révolution Américaine rend légitime les convictions dangereuses de ce collectif. Le Comité d’Histoire LGBT encourage le musée à annuler leur contrat [avec Moms for Liberty] et de mettre en place des actions pour regagner la confiance des employés LGBTQ+ et de la communauté queer de Philadelphie ».
De son côté, le directeur général de l’Association Historique Américaine -ou AHA-, James Grossmann, a également fait part d’une lettre au président du musée, Scott Stephenson. « Pour l’AHA, il ne s’agit pas de politique ni d’une compréhension différente du passé de notre nation ; il s’agit d’une organisation dont la mission est d’entraver la responsabilité professionnelle des historiens. Nous vous encourageons à reconsidérer la légitimité de ce groupe d’organiser un événement majeur dans un musée avec une réputation et un professionnalisme aussi important que ceux du musée de la Révolution Américaine », détaillait la lettre.
La location de l’espace à Moms For Liberty a abouti à la démission de plusieurs employés du musée, ainsi qu’à l’organisation de plusieurs manifestations par Defense of Democracy (DofD), un groupe de défense des droits civiques. Le 9 juin, DofD a loué un camion d’affichage diffusant notamment une vidéo dénonçant les opinions intolérantes de M4L. Une manifestation parallèle, organisée par Act Up Philly, s’est rassemblée devant le musée. Une nouvelle manifestation s’est déroulée devant le musée, le 16 juin, lors d’une projection documentaire. Les manifestants dénonçaient l’hypocrisie du musée de projeter un documentaire sur l’histoire des Noirs américains et de présenter une exposition spéciale sur l’influence d’une famille noire à Philadelphie, au XVIIIème siècle, intitulée « Fondateurs noirs : la famille Forten de Philadelphie », tout en accueillant un groupe d’extrême droite qui vise à effacer l’histoire des Noirs américains des programmes scolaires.
Jeudi 29 juin, de nombreux manifestants se sont à nouveau réunis devant le musée pour protester contre la présence de Moms for Liberty. Néanmoins, le musée n’a pas réagi aux multiples critiques des historiens et a maintenu l’événement.
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