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Le Musée Chrysler restitue un monolithe de Bakor au Nigeria

Le Musée Chrysler de Norfolk, en Virginie, a restitué un monolithe de Bakor au Nigeria, en échange d’un fac-similé presque identique conçu par la Commission nationale des musées et monuments du Nigeria. L’échange pourrait-il façonner les restitutions futures ?


Monolithe de Bakor qui était détenu par le Chrysler Museum
Peuple Ekoi, tête Akwanshi, vers 1600. Prêt de Njemetop, Nigeria. © Chrysler Museum of Art, Norfolk, Virginie

Des décennies après avoir été pillé dans le village de Njemetop, dans le sud-est du Nigeria, un ancien monolithe de basalte est de retour chez lui. Après une collaboration entre le Musée Chrysler de Virginie et la Commission nationale des musées et monuments (NCMM) du Nigeria, un des monolithes de Bakor a été restitué pour la première fois au Nigéria, le 23 juin.


Les monolithes de Bakor, également connus sous le nom de « akwanshi », sont des sculptures en pierres qui ont été sculptées entre le XVème et le XVIIème siècle, pour représenter les ancêtres. Beaucoup de ces monolithes ont été volées dans les années 1960 et 1970, pendant la guerre civile du Biafra.


Le monolithe de Chrysler a été acquis en 2012 en tant que legs des collections Renée et Paul Mansheim, qui l’avaient acheté lors d’une vente aux enchères à Paris en 2005, pour 4 200 euros. Le musée a commencé à examiner ses origines de plus près cette année, après que le spécialiste de l’art africain Christopher Slogar a visité le musée et exprimé ses préoccupations.


D’autres recherches ont mis au jour une photographie en noir et blanc datant de 1961 du monolithe in situ dans la ville de Njemetop, et publié en 2022 dans Les monolithes de Bakor : Préservation des pierres ancestrales dans le sud-est du Nigeria, un livre publié par la Factum Foundation for Digital Technology in Preservation, une organisation à but non-lucratif œuvrant dans le domaine du patrimoine culturel.


Photo de 1961
Photographie en noir et blanc de 1961 du monolithe de Bakor. Photo de la Commission nationale des musées et monuments, Nigeria.

L’avant-propos d’Abba Isa Tijani, directeur du NCMM, indique que les monolithes sont « représentatifs des ancêtres, associés à des pratiques spirituelles et sociales traditionnelles dans la ceinture forestière de l’Etat de Cross River, au sud-est du Nigeria » et que les symboles qui les décors sont probablement une ancienne forme d’écriture.


« Ces sculptures exceptionnelles, qui restent l’une des formes d’art les plus uniques du Nigeria, ont souffert de la négligence, des effets de la demande croissante de terres pour l’agriculture et de ses activités telles que les feux de brousse, ainsi que l’excavation et de l’exportation illégales », écrit Abba Isa Tijani.


En découvrant les preuves sur la provenance de la roche sculptée, le Chrysler n’a ensuite pas perdu de temps pour contacter l’ambassade du Nigeria à Washington afin d’organiser une cérémonie de remise.


« Les détails manquaient », explique Erik H. Neil, le directeur du musée, lorsque le monolithe est entré dans la collection du Chrysler. « La provenance d’un grand nombre de matériaux africains n’est pas toujours claire et la datation peut s’avérer très difficile. Pourtant, le musée n’avait aucune raison de rejeter l’œuvre. On a estime qu’elle était sur le marché et qu’il s’agissait d’un cadeau », ajoute le directeur. « Elle avait été vendue publiquement quelques années auparavant et aucun problème n’avait été soulevé à son sujet. »


Selon une étude menée en 1961 et 1962 à la demande du Musée national de Lagos, 300 monolithes de Bakor sont répartis sur 30 sites. Dans la destruction de la guerre civile, qui s’est déroulée entre 1967 et 1970, de nombreux monolithes ont été volés et passés en contrebande par la frontière entre le Cameroun et le Nigeria, avant d’entrer sur le marché des antiquités. Plusieurs d’entre eux se sont retrouvés dans les collections de musées du monde entier, dont le British Museum, le Musée d’Israël, le Musée du Quai Branly et le Musée d’art de la Nouvelle-Orléans. La moitié supérieure d’un monolithe fait partie de la collection du Metropolitan Museum of Art, léguée en 1994 par feu Nina Bunshaft. Il a été réuni avec un fac-similé de sa moitié inférieure, en 2018.


La Fondation Factum enregistre numériquement les monolithes de Bakor et produit des fac-similés depuis 2016, en collaboration avec la NCMM. Lorsque la fondation a appris la décision de Chrysler de rapatrier son monolithe, le directeur des projets en Afrique, Ferdinand Saumarez Smith, a proposé au musée de réaliser un fac-similé au nom de la NCMM.


Le processus technologique complexe derrière la création du fac-similé repose sur la photogrammétrie, une méthode de numérisation qui crée des modèles 3D en assemblant des informations provenant de centaines d’images 2D. Cette version numérique est ensuite imprimée en 3D pour obtenir un modèle précis qui est moulé à l’aide de silicium, puis coulé dans une résine acrylique, avec la couleur remplie en dernier. Avec plus de temps, la Fondation Factum aurait également pu produire la réplique en basalte.



L’objectif était de piloter un nouveau modèle de restitution et de « montrer comment les technologies numériques peuvent être utilisées pour partager des objets, de sorte que le rapatriement ne soit pas nécessairement un bénéfice à sens unique , a déclaré Ferdinand Saumarez Smith.


L’enregistrement des monolithes a également pour effet positif de les rendre beaucoup plus difficiles à voler et à vendre illégalement. La prochaine étape pour la Fondation Factum et le NCMM est de soumettre les sites des monolithes de Bakor à l’UNESCO pour le statut de site du patrimoine mondial, ce qui aiderait à les protéger contre d’autres dommages liés à la déforestation.


Reste à savoir si les fac-similés peuvent vraiment offrir un compromis intéressant pour les musées qui envisagent de rapatrier leurs collections. Le Musée Chrysler réfléchit actuellement à la meilleure façon d'intégrer le fac-similé dans sa galerie d'art africain, en veillant à ce que les visiteurs comprennent clairement qu'ils observent une réplique et non l'original.


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