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L’authentification d’une œuvre par IA rejetée par les experts

Au début de l’année, deux universités britanniques ont analysé l’œuvre de Brécy Tondo à l’aide de l’intelligence artificielle. Malgré les similitudes remarquées entre le portrait et d’autres tableaux du peintre Raphael, les experts affirment qu’il s’agirait d’une simple copie du travail de l’artiste.


L'oeuvre de Brécy Tondo, attribuée à Raphael par l'IA
L'oeuvre de Brécy Tondo, attribuée à Raphael par l'IA

Si de nombreux artistes semblent mener une lutte sans merci contre les possibilités de l’intelligence artificielle (IA), elle semblerait déjà partiellement gagnée. En janvier, des équipes de recherche des universités de Bradford et de Nottingham, au Royaume-Uni, se sont servis d’un programme de reconnaissance faciale alimenté à l’IA pour identifier une œuvre attribuée au peintre Raphael. Lors de l’analyse, le programme a révélé que de Brécy Tondo avait de fortes similitudes avec La Madone Sixtine, réalisée en 1513 par l’artiste. Selon cette technologie, les madones des deux œuvres étaient semblables à 97 %, tandis que les enfants se ressemblaient à 86 %. Pour les chercheurs, un taux de similitudes supérieur à 75 % témoigne que le style artistique est identique.


Le directeur du centre de recherche d’informatique visuelle de l’Université de Bradford, Hassan Ugail, a ainsi pu avancer auprès du Guardian : « Nous avons testé le Tondo avec notre nouveau modèle d’IA et pu avoir d’impressionnants résultats, qui ont prouvé qu’il s’agirait d’un tableau de Raphael. En combinant cette analyse à mon précédent travail sur la reconnaissance faciale, nous avons pu conclure que de Brécy Tondo et La Madone Sixtine ont été réalisées par le même artiste. »


Cependant, les experts de l’œuvre de Raphael révoquent cette authentification faite par intelligence artificielle. Angelamaria Aceto, chercheuse en peintures italiennes au Musée d’Ashmolean à Oxford, a notamment expliqué à The Art Newspaper : « Je n’ai jamais vu le tableau en vrai, mais à en juger par la photographie, cela ressemble à une copie réalisée après Raphael. Même si je suis ouverte à l’utilisation de nouvelles technologies et approches, je ne soutiendrais pas une authentification qui repose sur l’intelligence artificielle. De véritables connaisseurs se fient au jugement des experts et à leur regard aguerri, qui est bien plus fiable qu’une analyse mécanique déterminant des similitudes. »

De son côté, le journaliste de The Art Newspaper et historien d’art, Bendor Grosvenor affirme que « cette histoire représente totalement l’IA ; la machine ne peut dire ce qui est vrai ou non, pas plus que le média qui le rapporte. Un seul coup de téléphone à n’importe quel expert de Raphael suffirait pour une telle authentification. Notre seule manière de concourir contre l’IA – à travers notre humanité – est d’avoir une pensée critique ». Un autre expert de l’œuvre de Raphael a assuré que le tableau est « une copie du XIXe siècle. Ce n’est pas étrange que les traits faciaux soient semblables à ceux de ses œuvres puisque celle-ci a été copiée d’après les siennes ».


Par suite des réactions et critiques des experts, Hassan Ugail a confié à The Art Newspaper que « l’intelligence artificielle et le deep-learning moderne ont fait des avancées significatives ces dernières années, leur permettant d’analyser des images – dont des œuvres d’art – avec un niveau de détail inédit. Contrairement à l’idée que l’IA identifie et compare vaguement les similitudes et différences, la technologie peut aller au-delà de cela et examiner des détails subtils, tels que les couleurs, les valeurs de tons, les coups de pinceau et les teintes. Cela permet à l’IA d’analyser les œuvres d’art de manière plus précise que l’œil humain, révélant souvent des nuances invisibles à la perception humaine ». Il ajoute néanmoins : « Il est essentiel de comprendre que l’expertise des historiens d’art et des spécialistes demeure inégalable dans la compréhension du contexte culturel et historique des œuvres. Toutefois, utiliser l’IA dans le procédé d’authentification peut amener des perspectives supplémentaires et des informations complémentaires qui enrichissent l'évaluation globale. En outre, l'IA peut apporter un degré supplémentaire de transparence dans le processus, contribuant ainsi à une approche plus claire et plus responsable de l'authentification. »


De Brécy Tondo a été acquise en 1981 par le collectionneur britannique George Lester Winward. Dans les années 1980, le tableau était reconnu comme une copie du travail de Raphael, réalisé à l’époque Victorienne. George Lester Winward avait d’ailleurs remarqué qu’il ressemblait fortement à La Madone Sixtine de l’artiste. En 1995, le collectionneur a transféré la propriété de ses tableaux au Brécy Trust – qu’il a lui-même fondé – afin d’exécuter de plus amples recherches sur le Tondo. George Lester Winward est malheureusement décédé deux années plus tard.


L’œuvre est actuellement exposée à la Galerie d’Art du Cartwright Hall de Bradford, au Royaume-Uni. C’est la première fois qu’elle est présentée publiquement.


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