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La plumbonacrite, le véritable secret de la Joconde

Le plus célèbre tableau du monde n’a pas fini de surprendre les experts. Le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) a récemment mené une étude sur La Joconde (1503) de Léonard de Vinci, publiée dans le Journal of the American Chemical Society début octobre. Le rapport révèle ainsi qu’un composé chimique rare, la plumbonacrite, fait partie des matériaux utilisés par l’artiste du XVIe siècle.

Photographie de La Joconde, Léonard de Vinci
La Joconde, Léonard de Vinci

Source inépuisable de mystères, l’incontournable Joconde est récemment passée sous les rayons X et la spectroscopie infrarouge afin de dévoiler ses secrets. Les chercheurs du CNRS ont effectivement pu recueillir un échantillon exceptionnel de quelques centaines de micromètres, extrait de la base de l’œuvre, sous son cadre. La spectroscopie IRTF (ou spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier) et l’examen des rayons X de l’échantillon ont permis de révéler la présence de plumbonacrite dans la peinture à l’huile utilisée par Léonard de Vinci. La première méthode d’analyse est généralement utilisée pour déterminer le spectre d’émission, d’absorption, la diffusion Raman ou la photoconductivité dans l’infrarouge d’un échantillon liquide, solide ou gazeux. La seconde, quant à elle, mesure l’austénité et les contraintes résiduelles des matériaux cristallins. Ces deux procédés ont été nécessaires au dévoilement du composé chimique rare utilisé par l’artiste.


Les secrets de la Joconde

L’étude du fragment de l’œuvre a dévoilé le mélange singulier qui a servi à sa réalisation : de la céruse, un pigment blanc toxique à base de carbonate de plomb, surnommé « blanc de plomb », et de l’huile fortement saponifiée, à forte teneur en oxyde de plomb. Ces deux éléments sont couramment utilisés dans la peinture depuis l’Antiquité, mais leur présence demeure étonnante dans un tableau du XVIe siècle.


Toutefois, la découverte la plus remarquable, selon les chercheurs du CNRS, est celle de la plumbonacrite. Ce minéral n’est, en effet, stable qu’en milieu alcalin (pH élevé, basique) et est apparu progressivement dans le domaine artistique. Selon les experts, la plumbonacrite est « extrêmement rare dans les couches de peintures historiques » avant le XXe siècle. Seul Rembrandt l’aurait utilisée dans certaines de ses œuvres, soit près de deux siècles après de Vinci. « Artiste, ingénieur et architecte, il était aussi chimiste expérimentateur, et La Joconde était un véritable laboratoire », expliquent les chercheurs du CNRS dans le Journal of the American Chemical Society du 11 octobre dernier.


La présence de plumbonacrite dans La Joconde permet aussi de déduire de nouveaux éléments sur sa réalisation. En effet, les experts considèrent que l’artiste aurait élaboré une recette unique pour ce tableau d’exception : la litharge de couleur rouge orangé aurait été mélangée à de l’huile alcaline cuite, ce qui aurait transformé la litharge en plumbonacrite grâce aux transformations physiques. D’ailleurs, ce composé rare avait également été repéré dans un fragment de La Cène lors d’une analyse antérieure. De fait, les experts pensent que Léonard de Vinci aurait expérimenté ce mélange à plusieurs reprises, dans « une volonté d’innover dans la préparation de sous-couches de peinture épaisses et opaques [NDLR : sur lesquelles de Vinci appliquait ensuite les couleurs] en traitant l'huile avec une forte charge d'oxyde de plomb ».


Une œuvre sous l’œil des experts

Si les technologies les plus modernes permettent de révéler de nouveaux secrets des plus grands peintres de l’Histoire, ce n’est pas la première fois que La Joconde est étudiée par les experts. En 2010, une étude du C2RMF, ou Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, mettait en lumière l’une des techniques picturales utilisées pour la réalisation du tableau : le célèbre sfumato de l’artiste est dû à près d’une trentaine de couches de peinture d’une extrême finesse. Ce procédé donne au tableau son effet « vaporeux » a également été observé dans les œuvres de Raphaël, qui n’utilisait toutefois que trois à quatre couches de peinture.


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