top of page

L’Eglise allemande lance un inventaire des objets coloniaux dans ses monastères

Durant l’époque coloniale allemande (1884-1919), les missionnaires ont collecté de nombreux objets en provenance d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. Depuis plus d’un siècle, ces œuvres sont conservées dans les monastères et couvents à travers l’Allemagne. Néanmoins, l’Eglise souhaite désormais dresser un inventaire de ces objets, déterminer leur provenance exacte et, le cas échéant, les restituer à leur pays d’origine.

Photographie du monastère franciscain de Bardel Bad Bentheim
Photographie du monastère franciscain de Bardel Bad Bentheim

A l’initiative de l’Institut de recherche sur les missions de l'école supérieure de théologie et de philosophie de Sankt Georgen, le projet Historic Mission Collections vise à répertorier tous les objets de l’époque coloniale détenus par des couvents et monastères allemands. Ce projet d’envergure nationale est issu d’un débat plus large sur les objets provenant de cette période et sur leur potentielle restitution à leur pays d’origine. Le Historic Mission Collections devra ainsi établir un inventaire des objets collectés par les missionnaires allemands, mais également mener des recherches sur leur provenance. A terme, ces objets pourront ainsi être restitués à leur pays d’origine.


Toutefois, l’anthropologue et historien Markus Scholz relève que l’entretien même de ces objets est un enjeu en soi pour le projet. « Certaines [collections] sont bien conservées et exposées dans les musées, mais il y a aussi des collections qui sont entreposées. Les communautés religieuses sont confrontées à une diminution de leurs ressources, tant financières qu'en termes de personnel. Il est difficile de prendre soin des collections », expliquait-il à The Art Newspaper. Une première étude de Historic Mission Collections sur les collections des communautés catholiques allemandes met en avant le fait qu’aucun inventaire précis n’a été établi quant aux objets coloniaux.


Des rapports de force historiques

Selon Markus Scholz, la plupart des objets sont issus des colonies allemandes. Cependant, les missionnaires allemands étaient également actifs dans les pays indépendants et dans les colonies des autres puissances européennes. Ainsi, la première étude du projet permet de déterminer que les œuvres proviennent principalement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud. Néanmoins, les missionnaires ont tous collectés ces objets de manière extrêmement différentes. « Les objets ont été trouvés, donnés, échangés, achetés et parfois acquis dans des circonstances où les missionnaires ont profité des relations de pouvoir asymétriques qui caractérisaient le contexte colonial. Les missionnaires ont également commandé des objets à des artisans locaux », détaille Markus Scholz.


« Certaines collections remontent au XVIIIe siècle, lorsque les missionnaires ramenaient des spécimens naturels dans le but d'expliquer aux futurs missionnaires ce à quoi ils devaient s'attendre dans les pays lorsqu'ils y arriveraient. À la fin du XIXe siècle, les objets ont eu une fonction plus promotionnelle : les communautés religieuses les ont exposés pour que les visiteurs intéressés puissent s'émerveiller devant des objets provenant de pays lointains, et les expositions se sont multipliées », expliquait-il à The Art Newspaper à la fin du mois d’octobre. Malgré la complexité du projet Historic Mission Collections, Markus Scholz reste optimiste quant à la possibilité de déterminer la provenance des objets et de les restituer. « Il existe beaucoup de sources écrites. Les missionnaires correspondaient beaucoup et tenaient des journaux de mission ».



Une initiative portée par les communautés religieuses

Dans le nord-ouest de l’Allemagne, le monastère franciscain de Bardel Bad Bentheim compte parmi les communautés religieuses qui coopèrent au projet. L’édifice de Bardel compte effectivement près de 600 objets rapportés du Brésil, exposés dans un musée dédié à la mission de 1922. A l’heure actuelle, les moines de Bardel sont encore présents au Brésil et dans la région amazonienne. L’un des objets les plus prisés du monastère est une décoration en plumes du peuple Munduruku, dans le bassin de l’Amazone. Avec l’aide de Historic Mission Collections, Bardel Bad Bentheim espère « créer un inventaire et une documentation professionnels » quant à ces objets coloniaux.


« Nous ne savons pas encore grand-chose sur la provenance des objets individuels », affirme le père Wilhem Ruhe, qui vit dans le monastère. « Lorsque nous aurons les résultats, nous pourrons réfléchir à ce qu'il convient de faire des objets. Nous aimerions garder le musée ici et peut-être créer une nouvelle exposition avec une aide extérieure, mais s'il y a un intérêt au Brésil pour des objets spécifiques, ce serait peut-être une bonne occasion de discuter de ces choses dans le cadre d'un dialogue entre églises mondiales, et éventuellement de renvoyer des pièces au Brésil », ajoute-t-il.


Pour Markus Luber, le directeur de l’institut de recherche Sankt Georgen, la priorité est d’assurer la viabilité financière du projet Historic Mission Collections. Jusqu’ici, son financement a été porté par les ordres et communautés religieux, ainsi que l’organisation catholique Justitia et Pax. Néanmoins, ce financement ne devrait porter le projet qu’une année supplémentaire. « Nous cherchons à savoir comment nous pouvons poursuivre ce projet. Tout le monde s'accorde à dire qu'il est très important, mais lorsqu'il s'agit de le financer à long terme, c'est difficile. Le financement à long terme n'est pas assuré », affirmait-il à The Art Newspaper.



Comments


bottom of page