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De 10 000 à 17M € en deux ans, l’incroyable épopée spéculative d’un tableau de Rembrandt

En 2021, la maison de ventes Christie’s, à Amsterdam, avait estimé L’Adoration des mages (1628) de Rembrandt entre 10 000 et 15 000 euros. Après 18 mois de recherches et de réattribution, il sera mis aux enchères par Sotheby’s, à Londres, avec une estimation entre 11,6 et 17,4 millions d’euros.


Photographie de L'Adoration des mages, Rembrandt (1628)
Rembrandt, L'Adoration des mages, 1628, peinture sur toile

Dans le domaine de l’art, l’erreur et la négligence représentent souvent des pertes financières considérables. C’est ce qu’a dû apprendre à ses dépens une célèbre maison de ventes d’Amsterdam. En 2021, Christie’s proposait L’Adoration des mages aux enchères, un tableau attribué à l’entourage de l’artiste, avec une estimation modeste entre 10 000 et 15 000 euros. L’œuvre provenait d’une collection privée en Allemagne, mais n’avait pas été officiellement cataloguée comme une peinture de Rembrandt. L’historien de l’art Kurt Bauch l’avait pourtant mentionné dans son catalogue raisonné, mais sans l’attribuer au maître.


Cependant, l’heureux collectionneur qui l’a acquis à Amsterdam en 2021 était convaincu qu’il s’agissait d’une véritable œuvre de Rembrandt. Très vite, le nouveau propriétaire de l’huile sur panneau a sollicité la maison de ventes Sotheby’s et l’un de ses directeurs, George Gordon, qui l’ont soutenu dans sa volonté de réattribution. Durant les 18 mois suivants l’achat du Rembrandt, Sotheby’s Londres et George Gordon ont entrepris de longs travaux de recherches et d’analyses afin d’authentifier l’œuvre.


Cette dernière a d’ailleurs subi un nettoyage minutieux afin de retirer les peintures et vernis décolorés, ainsi que d’anciennes retouches. Des experts de l’artiste ont ensuite été réunis et, au vu des résultats de l’analyse aux rayons X, ont été unanimes. L’Adoration des mages est ainsi redevenue un tableau attribué au peintre néerlandais du XVIIe siècle. Cependant, l’erreur d’authentification de Christie’s en 2021 ne pourra pas justifier une annulation de la vente précédente. En effet, Sotheby’s précise que c’est « l’avancée des connaissances » sur la peinture qui mène la maison de ventes à une estimation beaucoup plus haute et une multiplication du prix.



Un marché exceptionnel autour des tableaux de Rembrandt

Pour certains, le changement d’estimation de L’Adoration des mages peut sembler invraisemblable. Son prix d’achat a effectivement été multiplié par 1700, en à peine deux ans. Cependant, après la réattribution officielle du tableau à l’artiste, Sotheby’s Londres s’est appuyé sur d’autres ventes de Rembrandt pour établir sa nouvelle estimation. Par exemple, en 2018, une représentation du Christ par l’artiste a été vendue à plus de 10 millions d’euros par la maison de ventes. En juillet 2020, c’était au tour d’un autoportrait du peintre d’être cédé pour 16,8 millions d’euros. De fait, le prix de cette œuvre nouvellement authentifiée correspond à celui du marché établi autour de Rembrandt. Néanmoins, avant d’être vendue aux enchères, L’Adoration des mages sera présentée à Los Angeles du 14 au 16 novembre et à Londres, du 1er au 6 décembre.


Un tableau réalisé au début de la carrière de Rembrandt

Après un apprentissage de six mois à Amsterdam en 1624, Rembrandt est retourné à Leyde, sa ville natale, de 1625 à 1630. Cette période marque le début de son indépendance et de son style iconique. Contrairement à ses contemporains, en effet, il préféra demeurer dans son pays d’origine, les Provinces Unies (les actuels Pays-Bas) et de travailler d’arrache-pied pour des commanditaires locaux. L’un des amis de Rembrandt, Constantijn Huygens, affirma même que la rigueur et le dévouement du peintre à cette époque étaient exemplaires. « Je dois confesser que je n'ai jamais vu plus grande diligence et industrie chez aucun individu, quels que soient son occupation ou son âge », confiera-t-il dans son autobiographie.


Selon George Gordon, L’Adoration des mages contient plusieurs éléments emblématiques de l’art de Rembrandt au début de sa carrière. On retrouve notamment deux sources de lumière différentes pour éclairer les personnages : une lanterne à gauche de la composition, émanant des tons chauds, et l’étoile de Bethléem à droite, révélant des tons blanchâtres. De même, la finesse des traits et l’utilisation du clair-obscur est, aux yeux de George Gordon, révélateur du travail de l’artiste.


« Cette peinture sophistiquée est à la fois le produit du pinceau et de l’intellect de Rembrandt. Toutes les caractéristiques de son style à la fin des années 1620 sont évidentes, à la fois dans la surface peinte visible et dans les couches sous-jacentes révélées par la science, montrant de multiples changements au cours de sa création et jetant un nouvel éclairage sur sa façon de penser », expliquait-il dans un communiqué de la maison de ventes.






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