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A Paris, le Musée de l’Histoire de l’immigration crée la controverse

Dernière mise à jour : 27 juil. 2023

« Très mal à l’aise face à cette campagne »,« Délire multiculturaliste à la mode anglo-saxonne », « Même Vichy ne l’aurait pas considéré comme "étranger" »… Sur les réseaux sociaux, les critiques sont multiples concernant la dernière campagne publicitaire du Musée de l’Histoire de l’immigration, à Paris. Pourtant, l’institution espérait surtout questionner la notion « d’étranger » et l’évolution du terme au fil des siècles.


Affiche publicitaire " C'est fou tous ces étrangers qui ont fait l'histoire de France" pour l'exposition du Musée de l'Histoire de l'immigration
Campagne publicitaire du Musée de l'Histoire de l'immigration, juin 2023

Dans le métro parisien, les affiches du Musée de l’Histoire de l’immigration sont difficilement passées inaperçues. En effet, elles mettent en avant un portrait de Louis XIV, avec pour slogan « C’est fou tous ces étrangers qui ont fait l’histoire de la France ». Sous la mention du Roi-Soleil, figure également la précision « Mère espagnole, grand-mère autrichienne ». Très vite, l’évocation des origines étrangères du monarque et son affiliation à la notion « d’étranger » ont provoqué des réactions sur les réseaux sociaux, notamment chez les personnalités de droite ou d’extrême droite. Le président du mouvement République souveraine, Georges Kusmanovic, affirmait sur son compte Twitter qu’il s’agit d’un « délire multiculturaliste à la mode anglo-saxonne », et que « même Vichy ne l’aurait pas considéré comme "étranger" ». De même, Benoît Vaillot, un professeur agrégé et docteur en Histoire précisait sur Twitter : « Parce que Louis XIV est né – en France – d’une mère espagnole et d’une grand-mère autrichienne, il figurerait parmi “les étrangers qui ont fait l’histoire de France” ? »


Comme le mentionne le musée, Louis XIV était bel et bien partiellement d’origine étrangère. Sa mère, Anne d’Autriche, est née en Espagne et sa grand-mère, Marguerite d’Autriche, est née en Belgique. A l’inverse, Louis XIII, le père du Roi-Soleil, était français et Louis XIV lui-même est né en sol français, comme le rappelle Benoît Vaillot. De son côté, l’historien Philip Mansel mentionne d’ailleurs que la nationalité n’était pas au cœur des débats à l’époque. « Anne d’Autriche était assez aimée à Paris. Lorsqu’elle était régente, on oubliait un peu qu’elle était étrangère. De leur côté, les Bourbons croyaient qu’ils étaient ce qu’il y avait de plus Français en France », explique-t-il. De fait, le message porté par la campagne publicitaire paraît plutôt maladroit.


Cependant, loin de remettre en cause la légitimité de Louis XIV en tant que monarque de France, le Musée de l’Histoire de l’immigration a plutôt tenté de soulever un questionnement sur le concept « d’étranger ». Au fil des siècles, la définition du terme s’est régulièrement transformée et les personnes étant considérées comme telles aujourd’hui ne l’étaient pas nécessairement au XVIIe siècle. « A cette époque, un étranger pouvait également venir d’une autre province. La nationalité était assez flexible, assez floue, mais il y avait un sens très fort de ce qu’étaient les Nations d’Europe, même avant la Révolution française. Un Espagnol n’était pas un Français », indique Philip Mansel à ce sujet. Selon lui, la définition du terme « étranger » est encore très vague de nos jours, puisque chacun peut en donner une qui lui est propre. Une réflexion autour de ce concept ne semble donc pas inopportune de la part d’une institution culturelle.


Le Musée de l’Histoire de l’immigration a récemment rouvert ses portes, après trois ans de fermeture pour travaux, et propose de nouvelles expositions à ses visiteurs, placées sous le signe de la pédagogie. Le concept « d’étranger » constitue d’ailleurs le fil directeur de la visite, qui invite à retracer l’Histoire de France et de ses « étrangers ». Le musée met notamment en avant l’Ancien Régime, la Révolution française, l’instauration de la « citoyenneté politique », la Monarchie de Juillet et l’arrivée d’exilés politiques en France. De plus, l’exposition compte une nouvelle aile dédiée à la France d’aujourd’hui, « entre hospitalité et fermeté ».

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